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Mon cœur repu de tout est un vieux corbillard Que traînent au néant des chevaux de brouillard.
Prométhée et vautour, châtiment et blasphème,
Mon cœur est un cancer qui se ronge lui-même.
Mon cœur est un bourdon qui tinte chaque jour
Le glas d'un dernier rêve en allé sans retour.
Mon cœur est un gourmet blasé par l'espérance
Qui trouve tout hélas! plus fade qu'un lait rance.
Mon cœur est un noyé vidé d'âme et d'espoirs
Qu'étreint la pieuvre Spleen en ses mille suçoirs.
Mon cœur est une horloge oubliée à demeure
Qui bien que je sois mort s'obstine à sonner l'heure.
Mon cœur est un ivrogne altéré bien que saoûl De ce vin noir qu'on nomme universel dégoût,
Mon cœur est un terreau tiède, gras, et fétide
Où poussent des fleurs d'or malsaines et splendides!
Mon cœur est un cercueil où j'ai couché mes morts...
Taisez-vous, airs jadis chantés, lointains accords!
Mon cœur est un tyran morne et puissant d'Asie,
Qui de rêves sanglants en vain se rassasie.
Mon cœur est un infâme et louche lupanar Que hantent nuit et jour d'obscènes cauchemars.
C'est un feu d'artifice enfin qu'avant la fête
Ont à jamais trempé l'averse et la tempête.
Mon cœur.... Ah! pourquoi donc ai-je un cœur ? Ah! pourquoi
Ma vie et l'Univers ? la Nature et la Loi ?
Jules Laforgue : Litanies de mon triste cœur
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